Olivier Dekokere

Olivier Dekokere

Interview de M. Olivier Dekokere, spécialiste de l’élevage : Production laitière et volaille.

Par Stéphane Alaux, Expert E Réputation, fondateur du cabinet E Réputation Net Wash

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Olivier Dekokere nous parle de sa passion pour le monde agricole, ainsi que de l’évolution de la filière lait.
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Pouvez nous parler de votre formation et de votre parcours ?

Olivier Dekokère : Passionné dès ma jeunesse par le monde agricole et plus particulièrement par l’élevage sans être issu d’une famille de paysans, après un lycée général j’ai bifurqué vers une filière dédiée à l’apprentissage des techniques d’élevage en démarrant un BTS Productions Animales à L’institut de Genech dans le Nord de la France ma région d’origine. Après les 10 mois de service militaire j’ai démarré en prenant un poste de Technicien Laitière chez Sodiaal en Picardie. Première expérience professionnelle très enrichissante devant être au contact quotidien avec des producteurs de lait devant apporter mon aide pour améliorer leurs techniques d’élevage, les achats de produits destinés à leurs troupeaux et l’ensemble des démarches administratives qu’on sait être important dans notre beau pays. Après avoir évolué au sein de cette structure et n’ayant d’un bagage technique, j’ai repris au CNAM Picardie, en cours du soir un Diplôme Supérieur de Gestion pour obtenir une maitrise en 2 ans. Ces cours qui m’ont permis d’appréhender la gestion d’une entreprise du management, des rh jusqu’à la finance d’entreprise et le juridique ont aussi permis de découvrir des univers professionnels avec des problématiques différents.

Après 8 ans chez Sodiaal, j’ai eu l’opportunité de rejoindre Lactalis pour découvrir l’expatriation dans la zone CEI, au Kazakhstan en prenant le poste de Direction Amont. Dans cette société j’ai appris l’excellence opérationnelle et le suivi grâce au contrôle de gestion performant. En plus de découvrir une culture différente avec un télescopage entre l’Asie et les méthodes soviétiques, notre langue de travail et de vie était le Russe. Ma femme et moi avons pu construire une vision beaucoup large grâce à l’apport de cette vie Kazakh. Mais il est bon aussi de pouvoir revenir en France pour exploiter nos nouvelles connaissances. J’ai pu grâce à ce nouveau bagage reprendre la direction générale d’un groupement d’éleveurs, les Volailles de Challans. En dirigeant cette entreprise, j’ai pris une mission beaucoup plus globale allant de la communication de marque et des relations avec les agences de presse jusqu’aux échanges avec la grande distribution pour valoriser et vendre nos produits qui étaient des volailles label rouge sous la marque « Volaille de Challans ». Après cette expérience dans la volaille , de retour dans le lait à la Réunion en dirigeant la Sicalait. En plus du cadre de vie plutôt agréable, de belles rencontres avec des femmes et des hommes qui souhaitaient faire évoluer leur groupe, leur ferme et leur résultat.

Quelle est votre expérience professionnelle la plus intéressante ?

Olivier Dekokère : Je n’ai pas une expérience professionnelle plus belle que les autres. Elles ont eu toutes leurs intérêts. Par exemple aux Volailles de Challans, c’était ma première direction générale. En plus d’apprendre la direction transverse et large, j’ai aussi du appréhender la solitude devant des choix stratégiques importants. Cela même si je formais avec mon président un super duo lui dans le politique et moi dans l’opérationnel. Nous avons tous les deux la même vision que l’ont souhaité pour cette belle entreprise. Ou chez Lactalis, j’ai découvert des Femmes et des Hommes ouverts vers les autres et ayant un attrait fort pour notre culture. Leur vision de la vie et des tâches professionnelles me permet encore d’apporter des choses à mes actions opérationnelles quotidiennes pour mes employeurs actuels. Et sur l’ile de la Réunion, j’ai appris les vicissitudes de la politique locale et des poids que cela avait sur le management des Hommes.
Je conclurai donc par dire qu’elles m’ont toutes apporté des plaisirs, des joies et des difficultés qui ne me permettent pas de les classer par ordre d’importance lors de mes 20 ans d’expériences professionnelles.

Parlez-nous de votre engagement dans le milieu coopératif ?

Olivier Dekokère : Ohhhh mon engagement dans le milieu coopératif est fort et encré. Il est vrai que mon CV me montre, j’ai fait quasiment exclusivement mes activités professionnelles en son sein. Je ne l’ai quitté que pour avoir une expérience à l’étranger. Je trouve que la coopération permet et permettra aux agriculteurs de pouvoir se projeter dans un avenir lointain en pensant à la transmission de leurs outils de travail à leurs enfants. La coopérative en plus de devoir être gérée comme une entreprise landa, c’est-à-dire à dégager des résultats pour survivre, elle est dirigée politiquement par les administrateurs élus par les pères les agriculteurs. Ils ont leur destiné dans leurs mains. Enfin, en coopérative, c’est « un homme, une voix » lors des assemblées générales. Le poids politique des « petits » est aussi fort que ceux des « grands ». Le temps de l’action est toujours présent mais la stratégie peut aussi être vu avec des pas de temps longs. Cela peut être vu pour une faiblesse par certains au vu de la complexité et des mouvements de plus en plus rapide du commerce, des demandes des consommateurs et des clients, mais il me parait intéressant aussi de pouvoir se « poser » pour réfléchir sereinement aux choix importants pour le futur. C’est une forme juridique qui a encore un bel avenir qui est gage de stabilité et de réussite si on n’oublie pas de pouvoir agir avec dynamisme.

Comment voyez-vous l’évolution du milieu agricole et agro-alimentaire ?

Olivier Dekokere : Vaste sujet. L’évolution du milieu agricole et agroalimentaire est de plus en plus rapide. Nous sommes passés d’un système régulé par les règles européennes communes et nationales (taxes à l’import, stockage de volume si surproduction…) à un libéralisme exacerbé vers plus de mondialisation. De plus, le poids des dépenses des ménages français a baissé de moitié pour arriver à 12-13% du budget. L’attrait des prix bas proposé comme stratégie par quelques groupes de grandes distributions après leur forte concentration (3-4 centrales d’achat) et l’importation de denrées alimentaires depuis d’autres pays a totalement bouleversé les ratios financiers tant des fermes que des groupes agroalimentaires.
Il est donc nécessaire de faire évoluer nos modes de pensées et de travail pour apporter plus d’agilité dans nos actions pour récupérer de la valeur ajoutée à destination de nos outils industriels et des agriculteurs. En plus de devoir revoir nos paradigmes propres à notre secteur d’activité, nous aurons besoin de l’état pour que nos entreprises puissent lutter dans ce contexte mondialisé. Nous avons la chance que la population mondiale va continuer à croitre dans les prochaines années. Et le premier sens de notre métier est de nourrir la population en quantité et en qualité. Nous aurons donc un développement continue des demandes de consommateurs. Deux axes de développement sont important à prendre en compte, les pays matures qui demandent de plus en plus des produits meilleurs quitte à consommer moins mais mieux et les pays qui ont besoin de développer les volumes apportés à leur population pour les nourrir. La France agricole est depuis de nombreuses années tournée vers l’exportation en plus d’offrir sa production aux français. Il faudra mettre en avant les bons produits que les agriculteurs cultivent et élèvent sans oublier notre nécessaire bras commercial export.
J’ai tendance à croire que notre secteur même s’il passe en ce moment des temps difficiles à de beaux jours devant lui si nous répondons aux attentes sociétales et clientèles tant en France qu’à l’international.

Les Etats généraux de l’alimentation, une initiative gouvernementale intéressante ?

Olivier Dekokère : Les EGA ont eu le mérite de mettre tous les acteurs de notre secteur agroalimentaire autour d’une même table. Depuis que la mondialisation est arrivée de plein fouet dans notre secteur, nos agriculteurs subissent énormément de fluctuation des prix d’achat de leurs productions. Les céréaliers et éleveurs de porc connaissent cette difficulté de gestion depuis déjà plus de dix ans par contre les producteurs laitiers eux le vivent depuis 2-3 ans. Même si nos agriculteurs sont des entrepreneurs avec les risques que cela comporte, ils me semblent difficile pour eux que les prix d’achat de leurs productions continuent à être à ce niveau au risque de les voir tous disparaitre. Les EGA ont mis en avant donc la nécessité pour les produits distribués sur le sol Français d’avoir une meilleure valorisation et une répartition des marges plus descendante. La grande distribution principale moyen de vente de nos produits agroalimentaires a fait des annonces et a pris des engagements pendant ces assises. Il faudra qu’elles soient tenues. Mais il ne faut pas oublier que le France agricole n’est pas tourné exclusivement vers le marché français mais aussi vers l’international. Je n’ai pas le sentiment que lors de ces EGA ont été évoqué nos déphasages vis-à-vis de nos voisins européens et encore moins mondiaux. Nous devons rapidement revoir nos modèles fiscaux et sociaux pour au moins être au même niveau de compétitivité au niveau européen. Des efforts sur ces points ont été déjà réalisé ces dernières années mais il en reste encore beaucoup.

Les demandes sociétales au point de vue alimentaire évoluent, quel impact sur le mode de la production agricole ?

Olivier Dekokère : Nous sommes passés d’un demande en volume à une demande en qualité/prix. Nous avons fait produire aux agriculteurs français pour atteindre l’autosuffisance et cet objectif a été atteint rapidement et avec grandes réussites. Aujourd’hui la plupart des consommateurs français recherchent de la transparence, de l’authenticité, du vrai et du bon. Une partie d’entre-eux se tourne vers le système de production biologique et la majeure partie des autres demandent des produits meilleurs, plus sains et rémunérateurs pour les agriculteurs. Par contre pendant les actes d’achat, ils ne sont pas encore tous en phase avec leurs demandes initiales. L’impact du prix et les propositions commerciales (promotions, gratuités….) font modifier ce qu’ils mettent dans leurs caddies. La tendance est plutôt positive mais elle reste à se confirmer pleinement dans les actes d’achat. Par exemple, dans la filière volaille la plupart des achats des consommateurs passent par des volailles label rouge ou biologique par contre dans le circuit « hors domicile » se sont encore des productions conventionnelles et non alternatifs. De plus, 90% de leurs achats sont réalisés par des productions importées. D’autres productions sont en court de mutation comme le secteur laitier.

Filière lait ? C’est-à-dire ?

Olivier Dekokère : Depuis quelques années ne nombreux éleveurs de vaches laitiers ont pris le risque de transformer eux même leur production pour essayer de mieux valoriser leur lait. Ces circuits de vente directe ont été mis sur le devant de la scène grâce aux médias et réseaux sociaux. Faire France ou En direct des éleveurs pour ne parler que d’eux proposent aux consommateurs une transparence totale sur leurs systèmes de production et aussi sur les prix payés aux différents intervenants notamment le prix du lait payé aux producteurs. La démarche des consommateurs « C’est qui le patron » a été lancé en premier aussi sur la brique de lait ½ écrémé litre. Elle a aussi mis en avant la démarche de payer « au juste prix » le travail des producteurs de lait pour en calculer le prix de revente en grande distribution. Par contre si nous faisons la somme de toutes ces « petites » démarches très médiatisées, la plupart des volumes commercialisés en grande distribution le sont par les marques habituelles. La forme juridique de coopérative devrait pouvoir répondre à ce besoin de transparence et de valoriser le travail des productions de lait français puisque c’est l’essence même de ces structures.
Mais même si toutes les ventes en France permettraient de mieux valoriser le lait aux producteurs, il faut penser que nous sommes aussi tournés vers le maché international.

Le lait à l’international

Olivier Dekokère: Lorsque l’on parle de la crise laitière avec les éleveurs, on parle depuis de nombreuses années des consommateurs chinois qui souhaitent être rassurés dans leur achat en achetant du lait venant de l’étranger plutôt que de leur propre pays. Cela est une opportunité pour nous en France. En effet nous sommes reconnus comme pouvant garantir une traçabilité importante et une qualité supérieur sur nos poudres de lait. Il s’est donc monté de nombreuses tour de séchage de lait pour fournir ce marché gigantesque qu’est la Chine. Les volumes exportés par ce vecteur est fort mais il ne nous empêche pas d’être tributaire des volumes mondiales (sur ou sous production) et son impact sur les prix.
La matière grasse laitière a été vilipendée pendant un certain temps comme n’étant pas bonne pour la santé. Depuis deux trois ans, de nombreuses publications de nutritionnistes remettent en question les affirmations passées et cela a eu un effet positif sur la demande donc sur les prix. Par contre la protéine laitière (poudre de lait) a subi l’effet de balancier par une baisse des prix dû à une demande atone et une production de poudre importante dans le monde. Malgré nos débouchés de qualité, les éleveurs souffrent d’un prix d’achat en dessous de leur prix de revient. Il nous revient, éleveurs et industriels, à travailler de concert pour pouvoir proposer un avenir plus sereins à toi.

 

Vous devez très certainement avoir, comme tous cadres supérieurs, des journées de travail interminables et stressantes. Comment vous détendez-vous, une fois la porte de votre bureau fermée ?

Olivier Dekokère : Sur un vélo de route ! Je suis un passionné de cyclisme. Je participe pendant la saison sportive à des cyclo sportives pour me fixer des objectifs afin de me dépasser et donner un sens à tous les kms d’entrainements. Je suis les entrainements avec le groupe « Jegou Sport » en région nantaise. Ceux-ci m’ont permis d’améliorer mes performances et aussi de rencontrer d’autres personnes que celles de mon univers professionnel.
Le vélo me permet de faire des efforts physiques et intellectuels (choix stratégiques) différents que ceux de ma semaine de travail. Ce sport est quand même assez chronophage. Je fais entre 12 et 15000 kms par an entre les entrainements, stages et les courses. J’organise aussi mon emploi du temps pour pouvoir faire au moins 2 entrainements en semaine. Ils me permettent de décrocher de mon job pendant ces 4, 5 heures.

 

Le web évolue à très grande vitesse. Le web 2.0 est devenu omniprésent et dangereux si non maîtrisé. Comment gérez-vous l’évolution de ce média dans votre vie professionnelle ?

Olivier Dekokère : En effet, l’immédiateté des informations partagées par ces réseaux peut avoir de nombreux dangers et contraintes. Malgré cela, je suis sûr de nombreux réseaux pour mon activité professionnelle mais aussi personnel.
Pour mon activité professionnelle, je suis assez actif sur LinkedIn, Vidéo et Twitter. J’ai le réseau Twitter pour pouvoir suivre assez rapidement l’actualité et l’ambiance du monde agricole et agroalimentaire. Il permet de pousser des informations qui nous semblent importantes mais aussi pouvoir échanger avec d’autres intervenants des filières agricoles pour élargir son spectre d’avis.
Pour mes activités loisirs, je suis forcement sur Strava où je partage mes sorties vélos et échange avec mes « collegues » cyclistes. Sinon je suis aussi sur les réseaux Pinterest et Instagram pour suivre soit la gastronomie, la tendance vestimentaire et pour encore le vélo sur Instagram.

Merci Oliver.

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