La protection des entreprises par les agences spécialisées

par Emmanuelle Hervé, experte en gestion de crise

Parce que la communication de crise ne s’improvise pas, nous avons posé quelques question à Emmanuelle Hervé,
experte en communication sensible et dirigeante fondatrice de l’agence EH&A.

Votre métier est peu connu Emmanuelle, quoiqu’avec la crise du Corona virus, on vous a vu très souvent intervenir dans les médias…

Gestion de crise, risk management, continuité d’activité, relations publique, sécurité, lobby, en effet mon métier est souvent mis dans ce grand sac de la protection des entreprises et confondu avec d’autres activités connexes.

Avec la crise du Covid-19, comme lors de l’accident de German wings ou le scandale WV du diesel gate ou encore des affaires judiciaires comme le juge Lambert ou un accident industriel comme Lubrizol, les télévisions (BFM, LCI), la radio (France Info) et la presse (PQR comme Paris Normandie, professionnelle comme l’Usine Nouvelle, ou PQN comme les Echos) recherchent des experts pour comprendre et décrypter les actions et la communication de l’entreprise mise en cause et de l’Etat qui joue son rôle. C’est pourquoi j’interviens volontiers quand on me sollicite, jamais à des fins de critiques car je sais à quel point cela peut être difficile de faire face à une crise, mais afin de donner des pistes d’éclairage sur tel ou tel comportement.

Alors en quoi consiste mon métier? Nous intervenons pour les entreprises privées principalement, et quelques mairies parfois, peu ou pas pour le monde politique et les acteurs publics. Nous avons deux activités.

  • A froid nous mettons en place pour des entreprises de plutôt grande taille, internationales et cotées, une organisation de la gestion de crise, des processus qui fonctionneront ensemble depuis les unités de production, les pays, régions et le siège. Ce mécanisme doit être parfaitement huilé, c’est pourquoi nous formons les membres des cellules de crise aux méthodes de gestion de crise et surtout nous les entraînons grâce à des exercices de simulation de crise.
  • A chaud nous accompagnons des entreprises et des dirigeants, de tous les secteurs, de toutes les tailles pour gérer une situation qui a démarré, médiatisée ou pas encore. Il peut s’agir d’événements soudain: accident, pollution, inondations, suicide, arrestation, terrorisme, mais aussi d’événement plus lent comme un climat social qui se détériore, un début d’enquête d’un cash investigation, des rumeurs, un soupçon de corruption, un investigation judiciaire, ou encore de crise dont on peut prévoir la date de début comme un plan social ou une fermeture de site industriel.

Parlez-nous de votre parcours, comment arrive-t-on à la tête d’une agence de gestion de crise et de communication sensible ?

En effet on ne se réveille pas un matin en voulant faire de la gestion de crise, ce n’est pas non plus un rêve d’enfant. Cependant dans mon cas c’est une histoire de famille, je suis née dans la gestion de crise, ma mère, médecin travaillait pour des laboratoires pharmaceutiques, elle était confrontée régulièrement à des mises en cause médiatique forte et faisait appel à des cabinets de gestion de crise, jusqu’au jour où elle a rejoint l’un d’entre eux, puis un autre, puis a fondé son propre cabinet.

J’ai fait mes prépas, sup et spé, je suis devenue ingénieur, métier qui ne me passionnait pas mais qui m’a permis de tout de suite, dès mes premiers stages, de partir à l’étranger découvrir le monde. Israel, la Guyane, Jordanie, Egypte, Liban, l’Inde, Turquie, Iran etc .. pays dans lesquels j’ai vécu pendant plus de 15 ans. Je travaillais pour le groupe de chimie américain DuPont de Nemours et je dois dire que cette machine de guerre américaine m’a tout appris sur les meilleures méthodes de travail.

Rentrée en France en 2005, je quitte DuPont en 2007 et je découvre ce pays que j’ai quitté à 23 ans et au sein duquel je n’ai jamais travaillé. La surprise est de taille, le choc culturel est immense. Je commence par enfin profiter de mes enfants (3, petits à l’époque) avant de me demander comment je vais bien pouvoir concilier un besoin de ne plus autant voyager, avec le monde professionnel français.
L’idée me vient rapidement de me rapprocher de MGVM, l’agence de gestion de crise de ma mère pour y faire mes classes et apprendre ce nouveau métier.
J’y trouve beaucoup de similitudes, ingénieur est un métier de rigueur et de process, la gestion de crise est née du monde industriel, culturellement j’avais appris le pragmatisme à l’américaine, tout cela était donc fortement compatible.
En 2009 je commence ma première activité en free, puis ouvre ma première agence en 2011.

Vos collaborateurs sont des experts, de quels horizons proviennent-ils ?

C’est assez compliqué de trouver des consultants en gestion de crise, il n’y a pas de formation qui corresponde exactement à mon métier et c’est d’ailleurs un sujet.. Donc je privilégie les têtes bien faites, les gens qui ont vu du pays, qui ont envie, et sont rigoureux.

Ce sont surtout de très bons analystes, une grande capacité de recherche, de synthèse, de curiosité. Un esprit critique et une grande discipline dans la mise en oeuvre des process et le suivi des projets. Le diable est dans les détails dans mon métier!
Nos collaborateurs viennent de Science PO, l’IRIS, l’EGE, le CELSA, par exemple.

Vos Clients sont pour l’essentiel des entreprises et / ou des dirigeants ?

Le plus souvent, la demande est initiée par le dirigeant, il faut un sponsor fort car les projet de gestion de crise, à chaud ou à froid sont transverses.
Ensuite une personne peut être désignée par le dirigeant pour suivre le projet. Soit c’est le département concerné par la crise en cours, soit c’est le département désigné pour être le propriétaire du processus. Et dans ce cas en fonction des entreprises ce sera « audit et assurances », ou « communication » ou « HSE » ou « RH » ou « qualité » ou encore « sécurité ».

Les équipes dirigeantes qui font appel à vous, doivent vous faire confiance instantanément. Comment se déroule la prise en main de la gestion de crise par vos équipes ?

En effet quand on subit une crise, il faut très vite faire confiance à son conseil.
Soit on se connait déjà car nous avons mis en place les processus de gestion de crise dans l’entreprise, soit on ne se connait pas.
Si on ne se connait pas, c’est souvent la recommandation d’un pair qui a motivé l’appel. Quand on nous a trouvé sur LinkedIn ou via une recherche google, le fait que nos clients aient eu la gentillesse d’écrire leurs recommandations va aider à mettre en place la confiance nécessaire.
Très souvent nous recevons un appel le Vendredi à 18h, c’est le patron qui sait qu’il ne va pas tenir le week-end !
Notre réponse est tout d’abord une grande disponibilité, tout de suite ou très rapidement je vais le recevoir ou consacrer le temps nécessaire au téléphone pour écouter son sujet. Nous essayons toujours de nous rencontrer. Lors de ce premier rendez vous, les équipes auront fait les recherches pour rassembler les enjeux du secteur, de la marque et les antécédents ou cas comparables. Nous allons travailler avec le clients à l’analyse de la situation. C’est le coeur de notre méthode et notre savoir faire.

Quelles sont les étapes d’une gestion de crise ?

Cela dépend beaucoup du type de crise ! Certaines vont durer 6 mois, d’autres 2 jours.
En général cela commence par la compréhension que ce qui est arrivé à un pouvoir crisogène et pourrait mettre en jeu la survie de l’entreprise. Cette étape peut être très longue et le temps perdu ici ne se rattrape pas…
Ensuite on se met en ordre de bataille, nous appelons cette étape l’armement.
Puis une fois les priorités établies, la stratégie définie, il faut mettre en oeuvre, c’est la déclinaison tactique.
Puis à chaque nouvel input, retournement, effet domino, on recommence le process.
A un moment on décidera de la fin de crise et il faudra s’atteler au retour d’expérience ou retex.

Vous devez avoir un carnet d’adresse « presse » bien fourni ?

En fait nous ne sommes pas du tout une agence de relation presse. Et l’avantage si je puis dire, de la crise c’est que tous les journalistes sont intéressés par ce que l’entreprise mise en cause a à dire sur la crise en cours. Donc il ne s’agit pas de courir après les journalistes pour qu’ils s’intéressent à notre client, mais plutôt de choisir le bon média pour notre objectif et pour notre client.

Les dirigeants redoutent-ils leurs interventions télévisuelles ?

Bien sur et heureusement !
C’est déjà un exercice particulier en temps de paix, en crise cela devient carrément dangereux, c’est pourquoi nous préparons très soigneusement les dirigeants à leur prise de parole. Nous élaborons les messages à délivrer, ce que NOUS voulons dire sur la crise en cours, nous envisageons toutes les questions qui pourraient survenir, surtout les plus gênantes et nous préparons les réponses.
Ensuite nous entrainons le dirigeant, face caméra, pour que l’utilisation de ces éléments de langage deviennent fluide afin d’atteindre notre objectif. En général il va s’agir d’expliquer ce qu’il c’est passé, de vulgariser un métier jamais très simple, de répondre aux anxiétés légitimes des parties prenantes et surtout de délivrer un message d’empathie.

On ne peut prévoir une crise… mais on peut en limiter les retombées négatives j’imagine ?

Plus on travaille en amont pour se préparer et plus on prend la crise à temps, plus on peut en effet limiter l’impact sur les enjeux majeurs de l’entreprise, son business et sa réputation.

La gestion de l’image de l’entreprise doit être protégée au maximum en cas de crise, quid de l’internet et de l’ E Réputation ?

Internet est un facteur majeur d’amplification et de création des crises. Nous sommes immédiatement en veille grâce à des logiciels qui mis ensemble nous permettent de trianguler et de comprendre quelles sont les communautés qui discutent de votre sujet. Nous surveillons le moindre post FB ou le moindre tweet.
En fonction du développement de la crise nous utiliserons peu ou beaucoup les canaux des réseaux sociaux de nos clients.

Question idiote, si les entreprises qui ont besoin de vos services ne connaissent pas l’existence d’une prestation telle que la vôtre, comment arrivent-elles jusqu’à vous à l’instant T. Avez-vous des relais, des prescripteurs ?

C’est vrai !
Souvent ils demandent à des pairs, des personnes de leur écosystème. Mais les cabinets d’avocats, les agence de communication (publicité), les agences de relation presse, les agences web, les cabinet de management de transition, sont aussi souvent des prescripteurs.
En fait en cas de coup dur, les gens vont se tourner vers une personne de confiance.
J’ai aussi eu des cas où les gens me suivaient sur LinkedIn, nous publions régulièrement des articles de fond et des posts d’actualité, et ils se disaient « si jamais je dois un jour faire appel à ce type de service, je contacterais EH&A », en fait suivre sur ce fantastique réseau qu’est LinkedIn crée une proximité et une confiance réelle.

Merci Emmanuelle.

https://www.eha-consulting.com/

 

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